La réalité #NoFilter des Instagrameuses Mode : Les nouvelles vitrines 2.0

Instagram, la plateforme de partage d’images en ligne, est créée en 2010 dans un but simple : permettre à ses utilisateurs de poster des photos de manière rapide et de les partager avec leurs abonnés qui approuvent ou non à l’aide du bouton « like ». D’apparence banale, ce réseau social apporte cependant une nouveauté : Plus que jamais, Instagram joue sur le principe de la simplicité et du quotidien. Les clichés, souvent réalisés à l’aide d’un téléphone portable, sont naturels, frais, pris sur l’instant. Chacun d’entre nous s’improvise alors photographe, mannequin, cuisinier (il ne tient qu’aux abonnés de juger votre nouvelle recette de riz taiwanais) et l’application, prévoyante, offre même une gamme de filtres à apposer sur nos chef-d’œuvres afin de sublimer en douceur notre vie pas toujours peuplée de sable et de cocotiers.

Cependant, derrière ces publications fraîches et healthy, Instagram est tout autre. Rachetée en 2012 par Facebook pour un milliard d’euros, l’application est aujourd’hui une des plus puissantes du monde et devient un véritable business. Et qui dit business, dit … Publicité. En effet, la publicité prend une place de plus en plus importante sur le réseau ce qui fait évoluer la pratique des utilisateurs : Partager sa vie devient alors un job à plein temps, à condition que celle-ci soit sponsorisée. On voit alors émerger un nouveau concept publicitaire, particulièrement exploité par le monde de la mode : Les Instagrameuses, véritable vitrines des marques et businesswomen confirmées.

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Instagram : Nouvel eldorado des marques

En septembre 2015, Instagram, qui restait jusque là très discrète à ce sujet, a annoncé l’ouverture de la publicité à l’ensemble des annonceurs. Une nouvelle qui n’est pas passée inaperçue sur le réseau social en vogue : La formule Sponsored (liens sponsorisés) fait son entrée dans ce média-marché en devenir. Mais la publicité s’est déjà invitée dans le réseau chouchou de la nouvelle génération. Au dernier trimestre 2014, 86% des marques mondiales étaient déja présentes sur Instagram. Les annonceurs ont trouvé d’autres moyens plus transparents pour s’inviter dans notre expérience Instagram.

Le règne de l’image

Instagram constitue le réseau social le plus adapté à la publicité. Avec plus de 400 millions d’abonnés et un taux d’engagement 30 fois supérieur aux autres réseaux sociaux, – dû à la simplicité et la mobilité de son interface mobile – Instagram constitue un vivier considérable de nouveaux consommateurs. Autre point fort, la plateforme réduit le contenu à l’image elle même et ne laisse pas beaucoup de place au texte, si ce n’est l’utilisation de hashtags, plutôt éloigné de la littérature. Vecteur d’image, l’application laisse le champ libre à la séduction et à la tentation. Un produit, correctement mis en valeur sur un cliché, constitue un objet de publicité très puissant, surtout dans les milieux où le visuel est primordial : le secteur de la mode et de la beauté tout particulièrement. Les marques de mode,  conscientes de ce potentiel, n’ont plus qu’à trouver un intermédiaire pour introduire le produit dans nos vies, entre une photo de paysage et un plateau de sushi. C’est chose faite avec les Instagrameuses, utilisatrices de l’application choisies pour leurs renommées, qui s’associent aux marques en toute subtilité.

 Les Instagramers, nouveaux Influenceurs

Partager sa vie et son quotidien en ligne ne constitue plus qu’un passe-temps pour certains utilisateurs de la plateforme. Approchées par des grandes marques, les personnalités les plus influentes sur le réseau, -stars de la télé réalité, mannequins, chanteurs mais également des anonymes qui ont réussi à attirer des fans- sont chargées de mettre en avant les produits pour contribuer à la visibilité d’une ou plusieurs marques.

Ces intermédiaires sont choisis avec précaution et les critères sont nombreux : le nombre d’abonnés, la renommée médiatique mais également un style particulier qui fédère sont étudiés par les annonceurs. En effet, la marque ne cherche pas à s’immiscer dans la vie de l’Instagramer ; le produit ne doit que sublimer et accompagner son style de vie. C’est l’éthique de la transparence, fondée sur une liberté de contenu,  qui est ici en jeu. L’Instagrameuse star, qui fait rêver à travers ses photos, approuve un nouveau produit : Elle ne peut être que de bonne foi puisqu’elle se confie seconde par seconde à sa communauté. On ne ment pas à un journal intime ! Si c’est loin d’être la réalité, c’est ce qu’en déduisent les abonnés. C’est ce lien d’authenticité, de complicité qui fait des Instagramers de nouveaux influents puissants et efficaces. C’est le cas de Ogilvy France, qui a recruté deux youtubeuses modes, Safia et Caroline comptabilisant plus de 300.000 abonnés Instagram chacune, pour le site de mode Boohoo.com. La marque est d’abord plus visible et plus appréciée car approuvée par des jeunes filles qui fascinent. Ainsi, à travers des phrases bien tournées, des hashtags épiques et un produit mis en valeur de façon pertinente, la publicité se fait invisible sur Instagram : l’Instagramer fait de sa propre vie une publicité, un storytelling visuel qui trompe le futur consommateur.

 

Devenir professionnels du spontané

photo 2Prêter sa vie à une marque, ça rapporte ! D’abord rémunérées en produits et échantillons mode ou beauté, les stars d’Instagram sont devenues si populaires qu’un barème a du être mis en place par Tribegram Lab, l’agence marketing et communication Instagram, pour les payer à la hauteur de leur influence. En France, l’utilisateur gagne 0,002 centimes par photo et par abonné.

Aux Etats-Unis, et dans le monde de la mode notamment, les chiffres sont exorbitants. Les stars d’Instagram les plus influentes, Kendall Jenner, Gigi Hadid et Cara Delevingne, gagnent de 25 000 à 50 000 dollars pour un seul post sur le réseau. Un travail à part entière qui donne envie de se lancer : Ces clichés vantant les mérites d’un produit leur rapportent parfois plus que leur job de mannequins …

Certaines Instagrameuses très populaires exploitent donc ce filon qui leur permet d’arrondir très généreusement leurs fins de mois, parfois jusqu’à l’extrême. C’est le cas de Nabilla, qui compte près de 2 millions d’abonnés, et qui se montre régulièrement avec des crèmes de soins, de nouvelles chaussures ou des gaines amincissantes qui brise le naturel programmé de la photo. En effet, gare à l’overdose ! La publicité sur Instagram doit rester subtile pour fonctionner, et l’Instagramer doit se forcer à créer le naturel.

 

Instagrameuses : Vitrine ou victime des marques ?

C’est cette ironie même, cette simulation de spontanéité qui constitue la nouvelle menace d’Instagram. Tremplin vers une popularité virtuelle et une approbation fondées sur des « likes », la plateforme offre un rêve à portée de mains à toutes les jeunes filles qui rêvent de flâner en vêtements de luxe sur un yacht au large des Bahamas. Les comptes mode, beauté fleurissent sur l’application et de nombreuses jeunes filles sont prêtes à sponsoriser leurs vies pour être connues. L’exemple de Essana O’Neill, jeune australienne de 18 ans et Instagrameuse mode aguerrie, est révélateur de cette nouvelle maladie du siècle. Rémunérée pour ses publications, elle postait régulièrement des clichés la montrant en maillot de bain sur une plage paradisiaque, ou prenant soin de son corps dans l’intimité de sa salle de bain. Véritable vitrine de mode, elle décide de tout quitter en novembre 2015 en supprimant son compte Instagram pour dénoncer la superficialité et les dérives de ses pratiques promotionnelles. Elle raconte l’enfer caché sous ses photos tout sourires, et dévoile la vérité sous le sable chaud et les vêtements luxueux. Une vie de faux-semblants, de prétention qui la rend esclave de ses photos. La jeune fille devenue « star Instagram » appelle à un monde meilleur et crée un site internet « Let’s Be Game Changer » dans lequel elle apparaît non maquillée et coiffée, comme symbole de la fin de son calvaire. Petit bémol, par le biais de son nouveau site, Essena compte toujours sur son nombre de vues et de likes pour exister. Et elle va jusqu’à demander de l’argent à ses abonnés pour s’en sortir. Le chemin est long vers la désintoxication qui sent bon le parfum Guerlain.

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J’ai été payée pour faire la promotion d’un produit autobronzant. J’ai uniquement porté ces vêtements de sport pour la photo. Qu’est ce que ça représente ? Qu’il faut être fine pour être en bonne santé ? Qu’il faut être être né dans un cadre biologique particulier et avoir gagné la lotterie génétique ? Qu’il faut se maquiller le visage et le corps pour paraître plus belle en photo, pour le « monde réel ». Si notre monde est si réel, pourquoi avons-nous besoin de changer nos apparences ? Pour les attentes et l’approbation des autres.  L’espèce humaine ne se résume pas à être « sexy ».

 

Quête de popularité, rêve d’une vie semée de petites robes et de Louboutin, toutes les raisons sont bonnes pour se lancer dans le business Instagram que proposent les marques, notamment mode et beauté, pour se faire une place publicitaire non négligeable. Et même si les dérives sont bien présentes et déjà montrées du doigt, la machine semble en marche : Instagram a annoncé récemment un programme d’expansion de ses offres publicitaires qui inclurait des fonctionnalités d’achats directement sur la plateforme. Il ne saurait tarder avant que naisse le bouton « Acheter maintenant » (ou «Vendez votre âme au plus offrant »).

Anna Maréchal

Sources :

http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/instagram-la-strategie-bien-ficelee-d-essena-o-neill_1732544.html

http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/62425/la-pub-arrive-sur-instagram—vers-la-fin-du-regne-des-blogueurs.shtml

http://www.huffingtonpost.fr/2015/08/15/instagram-publicite-people-placement-produit_n_7966774.html

http://www.e-marketing.fr/Thematique/Direct-Digital-1003/Breves/Les-Instagramers-nouveaux-influenceurs-courtises-marques-249255.htm#.Voq4dlI_ZZZ

http://www.augure.com/fr/blog/instagram-influenceur-20150521

 

Crédits photo :

Instagram Officiel Caroline Receveur
Instagram Officiel Nabilla Benattia
Photo Google Image recherche Essena O’Neill

 

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