Vêtements et politique aux USA, PARTIE 1

 

Les hommes et femmes politiques sont des personnalités publiques. Détenteur des pouvoirs qui leurs sont confiés, ils en sont également les représentants. Cela explique le soin particulier qui est porté à leur image. Vous avez déjà très probablement eu écho du bad buzz suscité par la couverture de Vogue faisant apparaître la vice présidente des États-Unis, Kamala Harris, vêtue d’un costume noir et d’une paire de converses. La réaction des internautes a été immédiate : « un beau tailleur habillé c’est si difficile à trouver ?» ou encore «Ce n’est pas parce que c’est une femme noire qu’elle mérite d’être montrée de manière aussi banale ». Les messages de l’opinion publique sont clairs : une future vice-présidente ne peut pas être représentée en une de magazines, qui plus est de Vogue, de manière aussi décontractée.

Le choix d’un vêtement est important. Il est mûrement réfléchi et peut être porteur de symboles et de messages forts

L’investiture du Président Joe Biden est un exemple des messages forts qui peuvent être portés par le seul biais du vêtement. Joe Biden portait un costume signé Ralph Lauren, marque de prêt à porter américaine transmettant des valeurs telles que l’American Dream ou encore l’unité de la nation. En effet la marque est connue pour n’avoir aucun parti pris politique. On peut également souligner l’importance des couleurs qui se rattachent très souvent à une longue histoire politique. La couleur violette portée par Kamala Harris, Michelle Obama, et Hillary Clinton est une couleur symbolique. Mélange du rouge des républicains et du bleu des démocrates, il s’agit d’une couleur qui marque le désir d’une nation unifiée, thème d’ailleurs choisi par Joe Biden pour la cérémonie.

On peut également y voir un hommage rendu à Shirley Chisholm, première femme afro-américaine à se présenter comme candidate aux élections étasuniennes. Cette couleur était utilisée dans les tracts de sa campagne. Par ailleurs, on se souvient également des élues démocrates vêtues de blanc lors du Discours sur l’Etat de l’Union prononcé par Trump en février 2019 devant le Congrès. Ce choix de couleurs rendait hommage aux suffragettes ; ces féministes qui se sont battues pour que les femmes obtiennent le droit de vote.

Le choix d’un vêtement est au cœur des stratégies de communication des candidat(e)s à la Maison Blanche

Le bad buzz dont Vogue a été l’objet nous rappelle le lien étroit qui existe entre Mode et Politique. Soucieux de leur image, les hommes et femmes politiques ne rechignent pas à engager les stylistes les plus en vue, l’objectif étant que les vêtements soient en concordance avec l’image que le candidat veut renvoyer. Le site internet BoF (Business of Fashion) publiait ainsi en 2016 un article intitulé « Styling Politicians in Image Wars ». Dans cet article, la journaliste Kate Abnet expliquait que les femmes et les hommes politiques ont une partie du budget de leur campagne dévolu à leur seul habillement. La candidate démocrate Hillary Clinton avait ainsi pour conseillère vestimentaire la directrice du magazine Vogue, Anna Wintour. Tout au long de sa campagne Hillary Clinton avait porté des tailleurs-pantalons colorés contrastant avec le traditionnel tailleur-jupe habituellement porté par les femmes. Ce choix bien pensé se plaçait dans la continuité de la personnalité et l’image qu’elle affichait lors des campagnes : l’image d’une femme indépendante, hors de l’ombre de son mari.

Vous l’aurez compris, le vêtement est un élément indispensable de la communication politique, et ce particulièrement lors des campagnes. Celui-ci peut illustrer les dires du candidat et donner de précieuses informations sur la manière dont il veut se présenter à la population. Ainsi, Donald Trump ne jure que par la marque italienne Brioni dont les chemises ne se vendent pas à moins de 3500 euros. Le fait de porter des vêtements de cette marque lui a permis de consolider son image de businessman milliardaire ; image au cœur de sa campagne. De même, il est intéressant de se pencher sur un autre vêtement au cœur des stratégies de communications des candidats : le costume. Le choix d’un costume n’est jamais le fait du hasard, même lorsqu’il est trop grand, mal coupé et froissé ! Le journal le Figaro avait souligné en 2016, la persistance de Donald Trump, alors candidat à la Maison Blanche à porter des costumes très grands et des cravates démesurées. Ces choix vestimentaires dignes des années 80, lui permettaient d’incarner, par ses vêtements, le concept du “c’était mieux avant” faisant écho avec son slogan de campagne “Make America Great again”. De manière générale, le fait de porter des vêtements volontairement trop grands peut signifier qu’un candidat entend souligner sa proximité avec la population. A contrario, une tenue trop bien coupée laisserait transparaître la richesse et l’élitisme du candidat. Ainsi, le candidat trouve sa crédibilité dans le port du costume tout en se rendant accessible à la population par quelques faux pas vestimentaires.

 

Par ailleurs, vous savez que par les réseaux sociaux les images se diffusent de plus en plus vite et prennent un poids de plus en plus important. Dans ces duels d’image, le vêtement occupe une place de choix dans la stratégie de communication 2.0 des candidats. L’objectif principal étant ’attirer les électeurs de moins de trente ans, qui, lors des élections de 2016, avaient un taux de participation inférieur à 40%. En 2020, les converses “Chuck Taylor” portées par la vice-présidente Kamala Harris, alors colistière de Joe Biden, lors d’un événement dans le Wisconsin en début septembre, ont suscité une vague d’intérêt inattendue. Dans une vidéo légendée « Laced up and ready to win », on la voit descendre de l’avion en converse. Le hashtag #ChuckTaylor est alors devenu viral pendant plusieurs heures. Dès lors, la converse devient une arme de communication efficace pour promouvoir la campagne de Joe Biden. Kamala Harris et son équipe réutilisent le slogan efficace “Lacep up and ready to win” pour le détourner ensuite en “Laced up and ready to vote” permettant de marquer les esprits et de se forger une identité visuelle immédiatement reconnaissable.

Le port de la converse a un autre avantage non négligeable : il permet de rajeunir l’image de Joe Biden, régulièrement accusé de sénilité, de somnolence ou de vieillesse par Trump et le Parti Républicain. En effet, Kamala Harris se présente comme étant le binôme complémentaire de Joe Biden. Elle apparait comme étant une femme dynamique, sur le terrain et prête à agir aux côtés de Joe Biden. Elisabeth Semmelhack, conservatrice au Bata Shoe Museum de Toronto a ainsi déclaré au Guardian : « The sneakers are acting as the sartorial equivalent of being willing to roll up her sleeves, » [« Les baskets agissent comme l’équivalent vestimentaire d’être prêt à retrousser ses manches”].Preuve que cet accessoire est loin d’être anodin, les converses rendent Kamala Harris accessible à l’ensemble de la population. Lors d’une interview dans Complex, l’actuelle vice-présidente affirmait ainsi : « Whatever your background or whatever language your grandmother spoke, we all at some point or another had our Chucks, right?” [ Quel que soit votre milieu, quelle que soit la langue parlée par votre grand-mère, nous avons tous eu à un moment ou à un autre nos Chucks, n’est pas ?” En ce sens, Kamala Harris représente la classe moyenne, et s’oppose à Melania Trump dont les escarpins peuvent symboliser l’élite regardant le peuple américain de haut.

 

 

Les accessoires, t-shirt et autres produits dérivés au cœur des stratégies de communication des candidats

 

Effectivement, les produits dérivés comme les t-shirts ou les casquettes sont également un outil de communication. Non seulement ils incitent les Américains à promouvoir la campagne de leur candidat favori mais ils permettent aussi renforcer l’image du candidat et sa visibilité. Ainsi, durant un meeting, en septembre, une abeille s’est posée sur la cravate du candidat démocrate Pete Buttigeig et a refusé d’en partir, ce qui a fait dire au candidat : “ » Je suppose que je suis juste si gentil”. Le lendemain matin, un T-shirt «Bee Like Pete» était disponible à l’achat.

 

Un autre exemple est le logo de la campagne de Bernie Sanders, tellement identifiable, qu’il a inspiré la Maison Balenciaga lors du défilé homme automne 2017.

 

D’une certaine manière ces “goodies” constituent une forme de soft power pour les candidats car ils permettent de naturaliser leur présence dans l’espace public.

 

 

 

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