Avec son émission désormais culte des Reines du Shopping, M6 enchaîne les records d’audience et est même devenue la chaîne “la plus regardée par les ménagères de moins de 50 ans en avant-soirée” selon boursier.com en janvier 2015.
Construite comme un jeu télé, elle se rapproche cependant de la téléréalité, à l’exception près qu’elle est sur un format court. Malgré cela, le téléspectateur a l’occasion de s’immiscer dans la vie privée des participantes et de les découvrir au naturel. Même si 1000 euros sont en jeu, pour beaucoup de candidates, c’est plus l’approbation de Cristina Cordula que l’appât du gain qui les motive.
Le cas Cristina
Véritable main de fer dans un gant de velours, celle qui rend cette émission culte est bien-sûr Cristina. Si vous ne connaissez toujours pas ce phénomène, voici quelques informations sur une présentatrice pas comme les autres.
Cet ancien mannequin brésilien s’est érigé en véritable gourou de la mode, dispensant conseils et interdits avec un accent très prononcé qui fait aujourd’hui sa marque de fabrique. D’ailleurs, tout comme Nabilla a déposé son “Non mais allô quoi ?!”, le “Manifaïque” et le “Ma chérie” de Cristina sont aujourd’hui protégés par l’Institut National de la Propriété Intellectuelle.
Durant l’émission, elle analyse et conseille tout en maintenant un savant équilibre entre proximité et inaccessibilité. Cristina, c’est la meilleure amie dont nous rêvons tous : hyper chaleureuse et de bon conseil. Mais n’en déplaise à certaines candidates, il y aura toujours un fossé entre Cristina, son sens pointu de la mode, et le reste du monde.
Malgré des remarques souvent pertinentes, la conseillère en image est parfois perçue comme un brin tyrannique. Les conseils autoritaires de Cristina ne plaisent pas à tout le monde et on le lui fait savoir, que ce soit sur le net avec un article d’une de ses consœurs ou à la TV avec la réaction assez virulente d’Enora sur Touche pas à mon poste. En effet, selon son mantra, toutes les femmes doivent s’accepter, mais on peut parfois se demander si son discours n’est pas un peu ambigu. Elle qui prodigue ainsi des astuces pour se mettre en valeur n’est-elle pas en train, inconsciemment peut-être, d’inciter les femmes à se cacher ? Si elle affirme que non lors de son interview dans On n’est pas couché ! certains restent soupçonneux.
Les Reine du Shopping, un « vulgaire truc fictionné » (TPMP avril 2014)
Une fabrique de stéréotypes ?
Les Reines du shopping ne reste pas moins un programme centré sur cette idée de mise en valeur, c’est presque le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des candidates ! Car oui, cette émission est participative : les candidates, tout comme Cristina notent la prétendante au trône du jour. Et comme le souligne judicieusement la voix off dans la présentation, cette note n’est “pas toujours très objective”. Heureusement, Cristina est là pour apporter son avis d’experte et, avec 50% des voix, faire pencher la balance.
Malgré cette prétendue recherche d’objectivité dans la note finale, l’émission est paradoxalement construite autour du regard, très subjectif, des candidates. Orchestrées par une voix off très volubile et un brin ironique, elles sont amenées à porter un jugement sur toutes les tenues de leurs rivales et même sur leur dressing, présenté en début d’émission.
Et comme si juger du bon goût des participantes ne suffisait pas, il faut aussi qu’elles soient “dans le thème”, imposé car Cristina. Chaque semaine, elle lance un défi qui peut sembler simple comme « chic en jean » ou plus retors comme « cocktail lors d’une croisière ». Une fois encore, on peut s’interroger sur le bien fondé d’une telle émission : les participantes, quoi qu’on dise, sont encouragées à s’habiller pour les autres et non pour elles-mêmes. Les intitulés des thèmes sont même parfois un peu sexistes.
Libération relève ainsi le sujet « dîner avec son patron et sa femme » en se demandant pourquoi le patron est obligatoirement un homme. Ici aussi, tout est une question de juste milieu et l’émission oscille dangereusement entre une glorification un peu exagérée de toutes les femmes et la prescription d’une vision standardisée de celles-ci.
On ne peut non plus s’empêcher de remarquer la similitude des profils au fur et à mesure des saisons. Chaque semaine, nous retrouvons la doyenne soit trop sexy, soit trop classique ; la jeune vendeuse dans le prêt-à-porter et, bien entendu, la Belge. Les styles excentriques ne sont pas non plus oubliés et c’est régulièrement que l’on retrouve à l’écran une fan de vintage ou de gothique sur le plateau. À trop vouloir représenter une diversité, Les Reines du Shopping offre finalement un panel assez pauvre de la française moyenne.
Et la mode dans tout ça ?
Les Reines du Shopping a beau être une émission centrée autour des fringues et donc de la mode, nous n’allons pas nous mentir. Ce n’est peut-être pas là que nous allons dénicher les dernières tendances.
Cristina elle-même le dit : les candidates font beaucoup de redondances. Entre la ceinture large en cuir, la jupe cloche à rayures toute en transparence ou encore les escarpins noirs, si vous vouliez découvrir les dernières nouveautés parisiennes, passez votre chemin.
Pourtant, dès les premiers mots de l’émission, le ton est donné : Paris est la “capitale de la mode” ! Le lexique de la mode y est surexploité mais dès qu’une expression un peu spécifique est employée… une note apparaît à l’écran. Pas besoin d’être un public averti, donc, pour suivre l’émission. Au contraire, celle-ci semble presque s’adresser aux néophytes. Mais rassurez-vous, il y aura toujours plus inculte que vous !
C’est le rôle de la fameuse voix de l’émission. Cet homme invisible (car oui, c’est un homme) joue l’idiot du village, se référant toujours à Cristina quant il s’agit de prendre une décision, ce qui renforce encore plus la légitimité de la présentatrice. Médiation entre les candidates et Cristina, elle rythme l’émission et valorise discrètement les auditeurs en se mettant toujours dans une position inférieure par rapport à eux.
L’équipe des Reines du Shopping a cependant décidé depuis peu de faire évoluer le concept de l’émission. Les Rois du shopping prennent de temps en temps l’antenne et Cristina propose désormais sa tenue idéale mais relooke également les candidates au niveau de leur mise en beauté. Souvent très pointues, ses tenues se rapprochent beaucoup plus de ce qu’on attend d’une émission de mode mais vont alors être en grand décalage avec ce que proposent les candidates. Quant au relooking express des participantes, cela relève plutôt de Nouveau look pour une nouvelle vie, également présenté par Madame Cordula. Résultat, pour la mode, on peut mieux faire, mais pour se détendre devant des filles en sueur qui courent les boutiques, c’est parfait !
Héloïse Dung
Sources :
http://www.liberation.fr/ecrans/2015/08/11/la-cordula-au-cou_1362079
http://www.valls.fr/2014/03/26/les-reines-du-shopping-je-zappe-ou-je-matte/
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