L’exposition, qui a lieu du 2 octobre 2018 au 27 janvier 2019 au musée Yves Saint Laurent à Paris, retrace la vision qu’avait le couturier de l’Asie du Sud- st et la manière dont il a choisi de représenter l’histoire et la culture de cette région dans ses créations. Le visiteur embarque pour un voyage à travers la Chine, l’Inde et le Japon, pays dont la représentation dans les collections de Saint Laurent est à la fois imaginaire et fantasmée.
La Chine Impériale, « libération des fantômes esthétiques » d’Yves Saint Laurent
La première salle expose une vingtaine de tenues appartenant à la collection automne-hiver 1977 mêlant toutes les influences asiatiques qui ont frappé l’imaginaire du couturier. On peut ainsi observer une veste courte de cavalier noire (magua en Chine), finement brodée avec une dominante dorée et reprenant le motif bien connu du dragon à cinq griffes qui représente l’empereur de l’empire du milieu. On peut aussi admirer un ensemble de soir composé d’un manteau et d’une capuche enduite bordés de vison brun. Les motifs d’arabesques qui ornent le tissu rappellent le motif de souffle qi qui décorait les objets en céramique du temps de la dynastie Han. Finalement, une dernière pièce se distingue à savoir un deuxième ensemble de soir composé d’un paletot de velours de soie brodé au fils d’or qui suggère une veste portée à l’Opéra de Pékin par l’acteur Shi Pei Pu (Saint Laurent aurait eu connaissance des costumes de l’Opéra grâce au film La Dame de Shanghai).
Il convient de souligner qu’Yves Saint Laurent ne s’est pas réellement rendu en Chine mais qu’il s’est construit une représentation de cette terre via le cinéma, les photographies et les nombreux ouvrages qu’il a consulté. Sur le quatrième mur de la salle, un mural reprend 26 croquis et esquisses ainsi que des échantillons de tissus. Ces dessins démontrent la large part de rêve qui constituait la vision qu’avait Saint Laurent de l’Asie et plus particulièrement de la Chine.
L’héritage laissé par Yves Saint Laurent en matière de revisites des vêtements traditionnels chinois étant très conséquent, le visiteur de l’exposition peut continuer à admirer des pièces inédites provenant cette fois-ci des collections printemps-été 1983 et automne-hiver 1993 dans la pièce suivante. Une robe du soir fendue en soie avec des broderies en perles attire immédiatement l’attention : elle se réfère aux qipao, robes traditionnelles portées à Shanghai dans les années 1930, qui moulaient le corps des femmes qui les portaient. Une ceinture de métal or ajourée de perles de verre et de nacre est exposée juste à côté de la robe, invitant le visiteur à penser dans un premier temps qu’il s’agit bien plus d’un diadème que d’une ceinture au vu du travail de sculpture du métal et de disposition des perles entrepris par le créateur. Le dragon sculpté sur la ceinture évoque une nouvelle fois la force et l’autorité de l’empereur de Chine ainsi que les forces cosmiques.
L’Inde, imitation des vêtements de la garde-robe impériale et réinterprétation du sari
En montant le grand escalier du musée, le visiteur bascule dans un tout autre univers : l’Inde vu par monsieur Saint Laurent. Les tenues exposées ont toutes été fabriquées dans des matières nobles et les couleurs utilisées respectent les teintures indiennes : indigo, curcuma, garance et doré. L’un des modèles majeurs de la collection d’inspiration indienne automne-hiver 1981 est l’ensemble d’organza de soie brodé d’or, de paillettes, de filés métalliques et de pierreries incrustées. La composition est complexe et le couturier s’amuse avec la multiplicité des matières présentes sur ce vêtement-parure.
Mais Yves Saint Laurent ne se contente pas de reproduire les couleurs et les motifs-bijoux indiens, il va plus loin en créant une robe de soir longue grâce à la technique de broderie rituelle du chikankari. Il reprend également le motif en forme de cœur présent sur les mousselines venant du Bengale et y intègre une pendentif, incluant ainsi un collier dans la robe.
Enfin, un dernier modèle détonne dans la salle : il s’agit une robe de soir drapée à capuche de soie lamée dorée. Le modèle ne semble posséder aucune couture et n’être qu’un simple rouleau de tissu enroulé autour du corps du mannequin. Saint Laurent rompt ici avec ses précédentes pièces en dévoilant beaucoup plus le corps de la femme et en étant en correspondance avec les tenues portées en Inde telles que l’imaginaire européen se les représente.
Opium, un parfum iconique
Après l’Inde, le parcours se poursuit avec un projet cinématographique exposant l’origine et la mise en vente du célèbre parfum Opium par la maison Saint Laurent. Ce parfum, aux saveurs très marquées (le distinguant fortement des autres parfums présents sur le marché), se trouve dans la lignée des influences asiatiques du couturier. Le flacon reprend un inro japonais quand à son nom, Opium, trouvé par Saint Laurent lui-même, il évoque très clairement la drogue très présente dans cette partie de l’Asie. Le parfum provoque d’ailleurs un gigantesque scandale lors de sa sortie tant à cause de sa référence explicite à une substance controversée qu’à cause de sa campagne publicitaire disruptive pour l’époque « Opium, pour celles qui s’adonnent à Yves Saint Laurent ». Malgré cela, le lancement qu’a connu le parfum reste l’un des plus grands succès de l’histoire de la parfumerie mondiale.
Le Japon, la fascination d’Yves Saint Laurent pour un pays à la fois « ancien et moderne »
La visite s’achève dans une dernière salle consacrée au Japon : on peut y observer des colliers dont le pendentif reprend un flacon miniature d’Opium ainsi que des kimonos et une veste inspirés de la tradition vestimentaire japonaise. La veste brodée « Iris » constitue le clou de l’exposition et est le résultat d’une technique très complexe utilisée conjointement par Yves Saint Laurent et François Lesage afin de faire croire à une veste-tableau « peinte » grâce aux petites touches d’un pinceau (une organisation harmonieuse des paillettes, des perles et des rubans réussie à parfaire l’illusion en apportant du relief à la création). Cette veste est en réalité un hommage du créateur au peintre Vincent Van Gogh.
L’exposition L’Asie rêvée d’Yves Saint Laurent recense donc les influences, voyages et rencontres à l’origine des collections d’inspiration asiatique du couturier. L’Asie du Sud- st perçue par Saint Laurent ne correspond pas nécessairement à la réalité mais plutôt à une certaine perception fantasmée de trois pays asiatiques majeurs (la Chine, l’Inde et le Japon), vision qui véhicule un idéal. Le musée étant situé dans la maison de couture historique de la marque, le bureau du couturier – conservé intact – ainsi que le fameux « Coeur » sont en exposition permanente et constituent l’une des attractions majeures des visiteurs !
Anonyme
Sources :
- Exposition L’Asie rêvée d’Yves Saint Laurent dirigée par Aurélie Samuel, conservatrice duPatrimoine et directrice des collections
- « Ne manquez pas l’exposition ‘’L’Asie rêvée d’Yves Saint Laurent’’ », Vogue