Mercredi 6 janvier à 18h30 se tenait une rencontre au Grand Palais sur les coulisses de l’exposition Louis Vuitton avec Olivier Saillard, Gaël Mamine et Robert Carsen. Visible depuis le 4 décembre 2015 et jusqu’au 21 février 2016, Voguez Volez Voyagez retrace l’histoire de la fondation de la maison, et nous incite au voyage en dévoilant son incroyable collection de malles iconiques. Louis Vuitton nous ouvre ainsi ses portes pour nous faire découvrir sa richesse culturelle et son patrimoine depuis 1854 jusqu’à aujourd’hui. Olivier Saillard, historien de la mode et directeur artistique du Palais Galliera et commissaire général d’exposition a retracé le parcours de ce projet ambitieux et créatif. L’homme fête cette année ses 20 ans d’exposition mode et sa 115ème exposition. Il était entouré de Gaël Mamine, co-commissaire et de Robert Carsen, célèbre metteur en scène et scénographe. Cette conférence a permis au public de découvrir les enjeux et le travail liés à une telle rétrospective.
L’histoire débute lorsque Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH, contacte Olivier Saillard il y a deux ans. Il souhaite lui confier le projet d’une grande rétrospective sur l’histoire de la maison Louis Vuitton. Après s’être plongé dans les archives et le patrimoine, Olivier Saillard accepte l’idée et propose immédiatement à Robert Carsen de l’accompagner. Le scénographe de renom, notamment célèbre pour sa mise en scène de Singin’ in the Rain en 2010 touche Olivier Saillard par sa capacité à conter et à immerger le public dans un univers poétique. Leur rencontre a eu lieu lors de l’exposition L’impressionnisme et la Mode en 2012. Le commissaire d’exposition a également tenu à avoir carte blanche afin de libérer sa créativité. Il n’a donc pas souhaité être rémunéré afin de garantir sa liberté intellectuelle. Son intérêt pour le passé, la conservation et le patrimoine de la mode sont ses moteurs. Olivier Saillard a ainsi supprimé les possibilités de faire de Volez Voguez Voyagez une exposition jugée commerciale. L’historien nous a confié l’avoir envisagée « comme un Tintin » tel un subtil mélange de légèreté et de savoir.
La première crainte à laquelle se confronte Olivier Saillard est due à l’uniformité et à la ressemblance entre les malles. De plus, elles sont conservées vides et semblent donc dénuées de sens. L’historien souhaite donc leur redonner vie en y ajoutant des vêtements, des chapeaux et des accessoires de la même époque. Ce travail de fourmi va prendre beaucoup de temps à Gaël Mamine et lui-même. Chaque pièce exposée dans les malles correspond à 6 ans près à la période de son contenant.
À l’instar d’Olivier Saillard, Robert Carsen a été ravi et surpris d’être convié à cette aventure. Ses premiers doutes ont émergé lorsqu’il a découvert le lieu : le salon d’honneur du Grand Palais dont les plafonds sont très hauts. En effet, il ne faut pas perdre la concentration du visiteur et ne pas le laisser se distraire par la vision globale de l’exposition. Robert Carsen a donc imaginé des espaces qui se visitent un à un et qui se découvrent au fur et à mesure, tel un chemin mêlant intimité et événements forts. La difficulté était également de mettre en valeur et en lumière des objets aussi volumineux que des malles. Il a donc fallu créer des espaces spacieux et aérés afin de magnifier les objets.
Par ailleurs, les grands thèmes abordés ont été composés autour des grands transports de l’époque et d’aujourd’hui : l’avion, la croisière, le train, l’automobile… Le titre de l’exposition, utilisé en 1960 en tant que slogan publicitaire, place les Hommes au cœur du dispositif et fait donc oublier la marque, selon Olivier Saillard.
Louis Vuitton a créé avant tout des produits pratiques avec l’intention de rendre le voyage plus agréable et de préserver les biens de ses clients. Le malletier était donc stimulé par des objectifs de performance et non de beauté. Le thème de l’écriture a aussi été développé dans la rétrospective. En effet, Gaston-Louis Vuitton, le petit fils de Louis Vuitton, a conservé les mémoires de la maison à travers de nombreux écrits très enrichissants. Olivier Saillard, Gaël Mamine et Robert Carsen ont jugé indispensable d’en faire profiter le visiteur en exposant des citations, des illustrations et des coupures de presse. Leur objectif était de faire « varier le regard entre le malletier et l’onirisme ». Robert Carsen a également demandé la fabrication d’objets uniques pour les décors aux ateliers Louis Vuitton et à quelques artisans français. De même, chaque espace est enveloppé de matériaux issus des ateliers et rappelant les malles et les sacs Vuitton : le cuir, le bois, les clous, la soie, le coton.
« Le présent doit s’asseoir sur la forme assise du passé » c’est ainsi qu’Olivier Saillard évoque la mise en scène de l’exposition qui se défend d’être une simple balade chronologique mais bien un voyage à part entière.
Le talent et la richesse du savoir d’Olivier Saillard écartent cette exposition de la simple opération de brand content. Il s’agit bien au contraire d’une démonstration culturelle, historique et intellectuelle de l’évolution du malletier qui marque l’histoire depuis plus d’un siècle. Cette rétrospective est aussi l’occasion pour Louis Vuitton de rappeler son identité et de diffuser ses valeurs au grand public. L’action de communication se joint donc à une véritable performance artistique pour offrir aux visiteurs une expérience merveilleuse.
Clélie HAIZE
Sources :
Propos de la conférence du mercredi 6 janvier 2016 au Grand Palais
Crédits images :
Image couverture : la conférence – source personnelle
Affiche de l’exposition – www.louisvuitton.com
Photos de l’exposition : http://residences-decoration.com