Ô Alexandre, quelle charmante rencontre. D’abord lorsqu’il a fallu te demander ton numéro le rouge aux joues, puis t’appréhender derrière l’objectif. Tu le confirmes plus bas : t’en imposes garçon. Une démarche flottante qui ne nuit pas à l’assurance de l’homme. Ses vêtements l’habillent autant qu’il les habite. Ton allure assujettit l’atmosphère, tandis que ton regard céruléen témoigne d’une impétueuse vie intérieure. L’individu fait sens et inspire la cohérence dans le paradoxe qui le constitue.
Combien de temps passes-tu à la conception de ta tenue le matin?
Je m’habille en très peu de temps parce que je n’ai pas le temps de prendre plus de temps. J’improvise et la plupart du temps ça fonctionne très bien.
Qu’est-ce que tu portes?
La veste oversize à rayures est trouvée en fripes récemment, le pull col roulé bleu pareil, le pantalon c’est COS, et les chaussures c’est ma plus vieille paire de Dr Martens que j’ai achetée quand j’avais 17ans
Y-a-t-il des marques que tu affectionnes particulièrement?
Les marques en elles-mêmes ne rentrent pas vraiment en ligne de compte dans mon comportement d’achat. D’une part parce que je n’ai pas d’argent, et d’autre part parce que je fonctionne de manière plus rationnelle : je sais ce que je veux porter comme type de vêtement, ce que je veux construire comme tenue complète, et à partir de là je cherche les éléments pour le constituer ; majoritairement en fripe, et pour le reste dans des magasins qui ont de bonnes intuitions et des coupes qui fonctionnent sur moi, genre COS. Mais c’est rare.
Mets-tu beaucoup d’argent dans tes vêtements ?
Je ne dépense pas énormément car comme je le disais j’achète surtout des vêtements de seconde main. Néanmoins j’ai beaucoup de manteaux, donc en comptabilisant, ça doit faire beaucoup. Mais je fais la même taille et le même poids depuis mes 16 ans donc j’accumule et je recycle en fonction des saisons et de mes envies.
Que disent tes vêtements de toi? Qu’attends-tu que tes vêtements disent de toi?
Ce que j’aime c’est imposer ma présence et me mettre en valeur. Donc je sais que mes vêtements fonctionnent très bien sur moi. Il faut être chic parce que, bon, ne pas l’être c’est insupportable. Je préfère, et ça se voit, avoir l’air trop confiant que pas assez donc je n’hésite pas à ressembler à un militaire, à faire un peu peur, parce que j’aime bien. L’important c’est qu’on ne me confonde pas avec un autre surtout, et qu’on se souvienne de moi, aussi narcissique que ce soit. C’est très bien au contraire, les narcissiques enterrent tous les autres.
Comment définirais-tu ton style?
Je ne définirais pas mon style. Je l’invente et je l’improvise donc je dirais simplement que si on y prête intelligemment attention on comprend beaucoup de choses à propos de moi.
Mon style ne reflète (je pense) ni l’âge que j’ai ni le milieu d’où je viens, de manière générale mon style ne dit de moi que ce je veux qu’il dise. Ce que je porte est choisi pour justement contrôler le message qui émane de moi. C’est terriblement prétentieux, je le sais et vous le savez. C’est comme ça.
Je pense surtout que ce genre de question nous engage à post-rationnaliser des comportements qu’on fait en réalité sans réelle conscience. On s’habille d’une certaine manière et après quand on nous demande pourquoi, on greffe une théorie fumeuse par dessus. Mes théories fumeuses et prétentieuses viennent souvent du Système de la mode de Barthes, pour bien faire.
Quelle est la pièce-maîtresse de ta garde robe?
Ma « pièce maîtresse » vient de mourir : mes boots noires à lacets ont craqué de haut en bas. Je les mets tous les jours depuis que je les ai achetées, donc elles sont mortes. Sinon le plus important pour moi c’est le manteau. C’est ce que je préfère. Donc j’en ai beaucoup. Et je préfère l’hiver du coup.
T’inspires-tu des tendances? Dans quelle mesure la mode a-t-elle une influence sur ton style?
Les tendances me donnent des idées mais ne m’imposent pas grand chose, enfin je ne crois pas. Je trouve ça juste très intéressant à regarder, la mode. De loin. C’est parfois très riche et intelligemment fait, et parfois très superficiel et orgueilleux. Ça me fascine. Il y a quand même certains créateurs qui m’inspirent, parce qu’ils inventent des choses magnifiques. Thom Browne notamment.
Quelle place accordes-tu aux accessoires?
Les accessoires c’est quoi? J’ai porté beaucoup de bagues et de bracelets et de colliers et de montres quand j’étais en prépa littéraire. J’étais dans l’excès parce que j’avais 18ans et que je me cherchais et que je pensais que plus il y en avait mieux c’était. En grandissant j’ai retiré beaucoup de superflu. Les accessoires c’est devenu superflu pour moi, avec le temps.
Un fashion faux pas que tu ne pardonnes pas?
Je pourrais faire des listes sans fin de tous les fashion faux pas qui ne pardonnent pas. Mais je pense qu’en réalité, on a le droit de faire ce que l’on veut tant que l’on n’est pas dans la prétention. À partir du moment où l’on commence à se construire un ethos de mec ou de nana qui « se fringue », eh bien on évite d’avoir mauvais goût.
Une pièce ou plusieurs pièces dont tu rêves ?
Une pièce dont je rêve? Non. Des dizaines. Je ferai en sorte de pouvoir me les payer un jour. Des manteaux et des chaussures.
Carla Humbert