Sophie Fontanel (alias Fonelle) est d’abord une passionnée de mode, puis une brillante journaliste et écrivain française. Elle a travaillé chez ELLE pendant 15 ans, avant d’écrire des chroniques mode à l’Obs et de lancer sa newsletter « la Fonelle Time ». Mais en ce moment, le grand public la connaît pour son compte instagram qui en dit long sur le « phénomène Fonelle ».
Sur nos téléphones intelligents, nous pouvons tous avoir accès à ses bribes de vie. Dans ces mille et uns petits carrés qui se juxtaposent depuis plusieurs années maintenant, se côtoient des photos de mode, d’objets chinés, de vidéos où elle chante, des grimaces etc. Elle a décidé de communiquer avec nous par l’image. Mais cela serait ordinaire sans les textes, qui font toute la différence de ce compte instagram. Dans ses légendes, Sophie ordonne au second degré à ses followers des sentences telles que « toi aussi, fais comme Fonelle, sois la première étonnée quand tu croises Rihanna dans ton miroir ». Elle renverse les habitudes de la mode et des stéréotypes, et se rie du ton autoritaire et superficiel que peuvent parfois accompagner les contenus fashion.
Une communication bien ficelée
Le compte de Fonelle est régi comme une campagne d’élections présidentielles. Sont présents les rythmes, les anaphores, les répliques percutantes… mais aussi son positionnement comme « leader », la présence (chiffrée) de ses nombreux adhérent(e)s et une proposition de changement, d’innovation.
Le rythme de publication est très régulier, elle poste plusieurs photos par jour, et crée des rendez-vous avec ces suiveurs en organisant ses publications. Dans ce fil sans hiérarchie qu’est le dispositif instagram, elle instaure plusieurs types de photos qui s’organisent comme les rubriques d’un journal: les « où ça, un lundi? », sortes d’anaphores, reviennent dans notre fil du lundi matin. Nous attendons aussi les reportages de notre espion des hautes sphères de la mode à chaque saison de fashion week… Cette régularité renforce le lien virtuel qui se noue avec elle, tout comme le rythme soutenu augmente la proximité.
Détournement
L’autre clef de voûte de cette proximité est due à la prose de Fonelle. Ses légendes dépassent souvent leur fonction principal. Elle accole à ses images des messages touchants et percutants par leur sincérité, leur intelligence ou leur drôlerie. Et c’est là que se cristallise toute la particularité du phénomène: pourquoi choisir le biais d’instagram pour prôner la poésie du monde, de la mode (« le monde sans haine » dit-elle ), la beauté des choses, des mots, des apparences, des textures etc., alors que d’autres supports nous permettent de nous exprimer de façon plus adaptée? Une fois de plus, c’est en détournant l’usage principal du média que Sophie s’illustre.
« S’illustre » oui, car au fil de ces carrés multicolores, elle se raconte, se donne à voir à des inconnus, nous montre la vie qu’elle choisit de partager avec nous. Quand souvent en interview on lui glisse la question de son narcissisme, elle répond qu’avant tout c’est un don d’elle même qu’elle nous propose. D’une certaine manière, elle s’inscrit dans la tendance 2.0 qui met le moi au cœur de nombreux contenus… A l’heure des gossips, de snapchat, et du selfie, elle se peoplise elle-même.
S’icôniser
En effet, sans l’aide de médias ou de journalistes « paparazzis », elle donne d’elle-même des tronçons de sa vie privée que certains pourraient divulguer sans sa volonté. En retraçant son compte, nous savons souvent où elle se trouve, quasiment où elle vit, qui sont ses amis etc. De ce fait, elle exhibe une certaine part de sa vie privée à ses followers, toujours plus voyeurs et proches de Sophie, à la fois femme de la mode privilégiée, mais aussi conseillère, coach, voire amie… Le rôle qu’elle incarne auprès de co-instagramers est palpable à la lecture des multiples commentaires de ses admirateurs. Nombre d’entre eux lui écrivent longuement à la vue de tous, pour répondre à ses blagues, la féliciter ou la remercier pour ses mots.
Comme dans une campagne d’élections présidentielles, nous sentons la foule d’adorateurs de Fonelle. Forte de ses 31 900 followers, elle s’adresse à ceux qu’elle appelle avec ironie « sa horde » et pour eux en partie, se lance des défis à la hauteur de son e-influence. Si vous aussi la suivez, vous savez que depuis 5 mois, elle ne se teint plus les cheveux. Dans une volonté d’abolir les dictats de la mode, elle a pris le parti d’assumer son âge, et cheveux blancs, comme une éclaireuse pour toutes ses semblables. A son échelle, en menant cette démarche, elle propose une vision assumée de l’âge et de ses répercussions, et aborde ce virage incontournable avec philosophie, poésie et humour. Ainsi, Sophie Fontanel a su proposer un changement, un vent de confiance et d’unité à toutes les femmes qui la lisent, et s’imposer -toute seule- comme un leader apportant des nouveauté bienfaitrices à pléthore de suiveurs.
Sophie présidente !
Julia Lasry
Sources :