Dans la mythologie romaine, Egérie désignait à l’origine la nymphe des sources. C’est elle qui conseillait le roi Numa Pompilius sur ses actions politiques. Par antonomase, le terme courant désigne aujourd’hui un homme mais plus souvent une femme représentative d’un mouvement culturel ou de pensée politique, voire dans le milieu de la mode l’incarnation d’une marque. Cette personnalité féminine se fera appeler ambassadrice.
On la retrouve surtout représentée dans les domaines de la mode, du luxe et des produits de beauté. L’ambassadrice est majoritairement utilisée pour la communication publicitaire, mais elle peut également être associée plus étroitement à la marque en participant à différents événements et parfois jouer un rôle dans le développement des produits.
Mais quelles sont vraiment les caractéristiques d’une égérie ?
Souvent mannequins, elles peuvent aussi être actrices ou chanteuses. L’égérie représente un idéal à atteindre. Une ambassadrice est porteuse d’un certain nombre de qualités désirables mais souvent inatteignables pour la consommatrice du produit telles qu’une peau parfaite, une garde-robe de quantité et de qualité, un goût exquis pour les belles pièces, des chaussures comme s’il en pleuvait… Celle-ci s’imagine alors qu’en achetant son parfum, sa robe, ses chaussures, elle pourra se rapprocher au plus près de son idéal. La relation égérie-consommatrice s’inscrit donc dans un paradoxe mêlant le lointain et l’accessible, la rareté inimitable et le quotidien du consommateur moyen. C’est la combinaison d’une logique de similitude et d’altérité, dans la recherche permanente d’une cohérence optimale entre la marque et l’égérie.
En effet, la logique d’altérité voulue par la marque se retrouve dans l’égérie comme un idéal lointain auquel les individus aspirent, tandis que la logique de similitude apparaît dans la proximité du consommateur par rapport à la star (sa personnalité, sa consommation des mêmes produits, etc.).
Sources d’inspiration, de notoriété et d’émission de valeurs, les égéries offrent donc de nombreuses possibilités et avantages. Cependant, leur efficacité dans une campagne ne sera effective que si elles sont employées dans le cadre d’un enrichissement de positionnement. « Il faut une congruence entre les valeurs, la personnalité, le style de vie de la star et celle de la marque. La star ne doit pas sur-jouer la marque mais la représenter réellement » atteste Philipe Jourdan, associé fondateur de Panel on the web, institut d’étude et de recherche en marketing.
Quels intérêts pour une marque ?
L’égérie devient un outil « d’accroche » et de notoriété. Le capital sympathie de l’égérie est un élément essentiel dans son choix. Elle doit être bien vue du public et elle-même renvoyer une bonne image de marque afin de tirer le produit qu’elle représente vers le haut. La stratégie visant à utiliser une égérie est très fructueuse car elle participe à humaniser la marque.
Néanmoins le capital sympathie seul n’est pas suffisant, un autre type doit être pris en compte : le capital célébrité. En effet, la star choisie doit avoir une certaine visibilité, être dans l’actualité des derniers évènements people ou particulièrement connue dans son domaine (cinéma, mannequinat, chanson…). Si une publicité peut aider une égérie à revenir sur le devant de la scène et surtout dans l’esprit du public, la solution la plus vendeuse reste de baser sa stratégie marketing sur le succès actuel de cette égérie. Grâce à cette double caractéristique celle-ci devient porteuse d’un message convaincant quel que soit le secteur de consommation.
Un danger pourtant de l’usage d’une égérie serait la surexposition médiatique du personnage par ses multiples contrats avec d’autres marques. Car si une égérie est efficace dans sa manière de représenter une marque, c’est bien parce qu’elle est exclusive et rattachée à un imaginaire unique. Attention donc à ne pas brouiller le consommateur en cherchant une égérie déjà trop représentée. C’est le cas du mannequin Cara Delevingne, fortement en vogue en ce moment. Tous les annonceurs s’arrachent cette jeune fille décalée pour représenter leurs produits : Chanel, Victoria Secret, Topshop, Zalando, Burberry, Yves Saint Laurent et plus récemment Mango, aux côtés de Kate Moss. On a souvent l’impression que la jeune femme a du mal à refuser les gros contrats (bon, on lui jette la pierre de loin, par jalousie ou avec raison ?) mais ce surplus de représentants nous perd : on ne lui assigne plus d’ enseigne en particulier. Cela crée un véritable problème d’identité aussi bien pour Cara que pour les marques qu’elle représente.
« Les fondamentaux entre l’égérie et la marque sont identiques à ceux d’un co-branding : d’un côté, l’égérie devenue marque dotée d’une personnalité, de l’autre la marque devenue image » commente Philipe Jourdan. La célébrité doit être en phase totale avec l’ADN de la marque dans chaque aspect de sa vie sociale, de son métier à sa vie privée afin d’assurer la crédibilité et la pérennité de la marque. Jourdan explique : « la marque doit dépasser le simple contrat de représentation et ressembler à l’égérie, au quotidien. On peut penser, par exemple, à une bonne cohérence entre Sophie Marceau et Lancel. En revanche, elle ne pourrait pas être l’égérie de Chanel. La vie sociale prêtée à l’égérie doit faire écho, être en résonnance avec l’image de marque. »
Marre des égéries vues et revues ou trop stéréotypées ?
Le phénomène récent de l’égérie « normale » ou du moins de la diversité des profils est en train de faire fureur dans le monde des marques et particulièrement dans celui de la mode. En 2014, la marque de vêtements Desigual a fait fort en choisissant comme ambassadrice le mannequin Winnie Harlow, atteinte d’une maladie appelée vitiligo qui entraîne une dépigmentation de la peau. Véritable vent de fraîcheur, la marque met largement en scène la jeune femme dans ses affiches, représentante de leur ligne éditoriale pour son aspect « atypique », le hors-norme étant l’identité même de la marque. Nous avons évidemment tous entendu parler des campagnes Plus Size, avec des égéries aux formes assumées.
Un autre exemple récent de l’emploi original et décalé de l’égérie serait la campagne H&M « Close the Loop » qui tente de montrer une diversité non seulement physique mais aussi religieuse. Ainsi, l’enseigne populaire avait représenté sur une de ses affiches une femme voilée. La jeune femme porte un voile H&M rose et bordeaux, un manteau rose bonbon et de larges lunettes de soleil rondes. Bonne stratégie de la part de la marque qui élargit la diversité de sa cible et surtout prouve que les convictions religieuses peuvent parfaitement s’accorder avec un intérêt pointu pour la mode.
Le terme d’égérie de marque a finalement tendance à être utilisé abusivement pour désigner de simples personnalités apparaissant dans les publicités de marques. À l’origine pourtant, l’égérie possède une dimension plus sensible et subjective, elle incarne des valeurs, à l’image d’une muse. La mode a donc aussi son rôle à jouer dans l’évolution d’une pensée collective et des prises de conscience, par la diversification des égéries. Elle se dote de visages humains mais surtout met en avant les minorités dans la société. Contrairement à la futilité à laquelle on peut la rattacher, la mode possède finalement un réel pouvoir politique.
Ségolène Montcel
Sources :
– La revue des Marques – juillet 2012 – n°79
– http://www.definitions-marketing.com/definition/egerie-de-marque/
– http://www.aufeminin.com/news-people/egerie-tp27223.html
– http://www.so-trendy.fr/egerie/
– http://www.womenology.fr/reflexions/pourquoi-les-marques-ont-elles-besoin-degeries-publicitaires/
Crédits images :
– http://welikeit.fr/45572/kit-harington-jon-snow-game-of-thrones-got-buzz-people-sexy-new-tendance-peter-lindbergh-jimmy-choo-mode-collection-chaussures-luxe
– http://imgarcade.com/1/chantelle-winnie-desigual
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[…] https://lacommodecelsa.wordpress.com/2015/12/06/legerie-de-marque-le-co-branding-du-show-biz/ […]