Winnie Harlow, jeune mannequin de 21 ans originaire du Canada, est devenue la nouvelle égérie de la marque Desigual pour leur campagne automne-hiver 2015. Sa particularité ? Être atteinte de vitiligo, maladie qui provoque des décolorations de la peau et ne touche qu’1% de la population mondiale. Repérée lors de l’émission America’s Next Top Model, elle est très vite devenue la preuve vivante que la beauté a plusieurs visages et aussi celui de la maladie.
Un physique qui dérange, une beauté qui fascine
Bien qu’ayant été raillée dans son enfance à cause de ses curieuses taches blanches qui contrastent avec sa peau noire, ce qui lui valut les surnoms peu valorisants de « vache » ou « zèbre », Winnie Harlow (de son vrai nom Chantelle Brown-Young) a toujours voulu devenir mannequin. Mais les premières agences à Toronto auprès desquelles elle avait proposé son portfolio ont préféré ne pas promouvoir un physique si particulier, ne sachant pas à quelle marque pourrait convenir la jeune femme. Ce sont les réseaux sociaux qui ont d’abord permis à Chantelle de se propulser dans le monde très codifié de la mode, et cela, paradoxalement, grâce à sa différence. Postant depuis ses 17 ans des photos d’elle sans chercher à cacher sa maladie (elle se joue d’ailleurs de ses anciens surnoms en posant avec des animaux tachetés), mais au contraire en dévoilant une beauté transgressant les canons classiques, elle a rallié à ce jour plus d’un demi-million d’abonnés à son profil Instagram. Ses photos furent remarquées par Tyra Banks, membre du jury de l’émission America’s Next Top Model, qui la complimente lors de son casting : »Je n’avais jamais vu un vitiligo aussi symétrique! (…) C’est magnifique! ». Aujourd’hui, Chantelle Brown-Young est l’étoile montante du mannequinat, et a même été placée parmi les 100 personnes les plus importantes de 2015 par le magazine Dazed & Confused.
Choisir une égérie qui sort des codes : une nouvelle habitude ?
Ce n’est pas la première fois qu’une égérie est choisie en vertu d’une particularité physique. Depuis quelques années, les grandes marques semblent de plus en plus vouloir flirter avec les normes reconnues de beauté en choisissant des mannequins pour le moins atypiques. Pour Chantelle, cette ouverture de l’industrie de la mode répond à une volonté de sortir de la vision de la beauté parfaite, inatteignable, sans défauts. «Même les top modèles ont beaucoup de personnalité aujourd’hui, et je pense que c’est ce que les gens recherchent, quelque chose qui leur ressemble, de vraies personnes», confie-t-elle devant les caméras d’AFP. Avant de poser pour Desigual, Chantelle avait été mannequin pour Diesel, qui semble tout spécialement vouloir s’afficher avec des mannequins à l’apparence peu commune, ce qu’on aurait jugé « dérangeant » il y a quelques années. En effet, c’est Jillian Mercado, une jeune femme peroxydée et handicapée moteur à cause d’une dystrophie musculaire, qui avait été leur modèle pour leur saison 2014 ; tout comme Chantelle, c’est grâce aux photos qu’elle a postées sur internet qu’elle a commencé à se faire remarquer par plusieurs marques qui l’ont engagée par la suite comme mannequin.
Un ras le bol des filles trop parfaites
Il semblerait donc que les standards de la mode évoluent, ce qui est sans doute révélateur de la lassitude ambiante de voir toujours la même plastique parfaite mise à l’honneur. L’étrange est devenu ainsi un nouveau style, on recherche désormais des personnalités, et non plus seulement de jolis visages. Le beau impressionne, le bizarre intrigue et interpelle. L’union des deux produit un mélange de styles explosif, très recherché aujourd’hui dans l’industrie de la mode. « Cette recherche de la différence est intrinsèque à toute quête de beauté dans la mode. C’est un jeu d’attraction-répulsion, toujours profondément anti-establishement, qui permet de se renouveler, d’aller de l’avant de façon critique », affirme Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po et spécialiste du luxe et de la mode.
Conclusion : une beauté qui sort des canons, voilà ce à quoi aspire la mode de demain.
Pauline Strodijk
Sources :
Crédits photos :
Desigual
Diesel