Alors que je me posais des questions sur le parallèle entre mode et minceur mes recherches n’ont fait qu’appuyer le mal qui tourmente notre société : les femmes doivent être minces pour être belles et il semblerait que le blâme aille vers la mode.
Entre les anciens mannequins qui attaquent le monde du modélisme, les députés à la recherche de lois pouvant freiner cet engouement pour l’extrême maigreur, et la sphère internet cherchant à mettre en avant la beauté du corps comme quelque chose de muable et variable, tous semblent se mettre d’accord sur un point : Il faut agir contre le culte de la maigreur.
Un corps grand comme une feuille de papier
Si différentes personnalités et organismes tentent de se mobiliser, ils ne représentent pourtant qu’un microcosme face à la profusion de messages valorisant la maigreur. L’envie d’écrire cet article est apparue lors de la découverte du nouveau challenge à la mode, le « A4 challenge ». Venu de Chine ce petit nouveau du web propose de mesurer sa taille en la comparant avec une feuille A4.
Le défi à la mesure de 21cm pousse sur la toile à valoriser un corps maigre.
La mode à tout petit corps
L’univers de la mode est le premier à présenter comme idéal féminin les corps maigres. Les défilés mettent sur un piédestal (un podium) les femmes que toutes voudraient être, « le model » dans tous les sens du terme. Si le défilé existe c’est pour donner envie, envie d’être possesseur des vêtements rendant si belle cette femme qui nous regarde de haut, on désire les vêtements puisqu’on désire la femme, on veut être la femme. C’est Karl Lagerfeld qui montre bien ce besoin de provoquer l’envie chez le client, une envie qui passe par l’idéal de la minceur : « Les grosses, elles ne veulent jamais voir les grosses. Elles disent : ‘Ça, ce n’est pas pour moi !’ Si elles avaient une vie plus saine et une discipline alimentaire, ça soulagerait la Sécurité sociale. ».
C’est en vogue
Sur les réseaux sociaux ce phénomène s’exporte aussi via notre fashion police j’ai nommé Vogue Paris. Les « zoom sur » nous permettent d’adopter, d’upgrader, de jouer et enfin de suivre le look de la semaine, LA tendance du moment, ils le font grâce à l’utilisation d’un nous englobant (parce que bien sûr on a tous eu la chance de rencontrer Gigi Hadid pendant la Fashion Week) et d’injonctions performatives (« Jouez la comme Cindy » préconise Vogue Paris, si ce n’est pas de l’ordre…) Et si, comme le fait Vogue Paris sur sa page Facebook, les injonctions et différents « zoom sur » consistent en adresses Healthy et régimes alimentaires alors pour être tendance, pas d’autre choix que de se ruer sur le nouveau cranberry bar ou sur la salle de sport la plus tendance du moment.
La minceur comme représentation de sa classe sociale
Alors que les femmes ont pendant longtemps été admirées pour leurs rondeurs juvéniles et leurs formes appétissantes, on peut le voir dans les peintures de la Renaissance avec Rubens par exemple, aujourd’hui la femme riche n’est plus oisive, elle se doit de travailler et on parle de « Business Woman » accomplie qui rentrent du travail pour la salle de gym.
Ce phénomène explique peut-être qu’on caractérise souvent l’anorexie « comme une maladie de riches », si la majorité des personnes touchées par ce trouble alimentaire sont des femmes il s’agirait de femmes issues d’un milieu CSP+. Le gras appétissant d’antan symbolisant la profusion de nourriture a été substitué par un imaginaire alliant minceur à pouvoir d’achat. Le lien entre poids et milieu social n’est plus à prouver quand on voit les émissions culinaires de l’anglais Jamie Oliver, ce qui est « sain » est cher. Il pourrait sembler étrange ainsi que l’obésité ne fasse que croître alors que nos « modèles » ne font que mincir. Mais finalement la minceur c’est chic, la minceur c’est différenciant.
Mannequin d’hier, révolté d’aujourd’hui
Cependant les médias et influenceurs se révoltent et militent en faveur d’une évolution de cette représentation de la beauté. Les campagnes contre l’anorexie se sont multipliées il y a eu les images choc d’Isabelle Caro dans sa campagne Nolita, la jeune mannequin souffrant d’anorexie, décédée en 2008, avait fait tourner des images d’elle à travers le monde. Il y a aussi les images provenant de l’agence Brésilienne Star Model qui avait cherché à marquer les esprits en 2013 avec le slogan très accrocheur de « You are Not a Sketch » appuyant le parallèle mode/anorexie.
D’anciens modèles Victoria Secret (Pourtant souvent présenté comme contre-exemple de la maigreur chez les mannequins..) dénoncent l’industrie de la mode, ça a été le cas d’Erin Heatherton, ancien ange, qui a dévoilé sur le web le mal être dans lequel elle se trouvait en tant que mannequin et les complexes physiques développés par le biais de sa profession.
La très célèbre Cara Delevingne dénonçait elle aussi un milieu « horrible et dégoutant » lors d’une interview accordée au Times en août, elle avait ainsi annoncé la fin de sa carrière en tant que mannequin.
La loi comme gage de foi
A la fin du mois de décembre dernier les députés français se mettaient d’accord en rendant obligatoire le certificat médical pour les mannequins. Les mannequins devront bénéficier de ce certificat prenant en compte leur IMC ainsi que diverses autres caractéristiques relevant de la santé du mannequin. Une autre loi est mise en place quant à la retouche photographique, toutes les photos retouchées devront par être accompagnées d’une mention le spécifiant.
Quand la révolte passe par le ventre
Je vous parlais plus haut du A4 challenge, si les clichés de jeunes femmes cachées derrière le format A4 de feuilles de papiers, ces clichés ont été détournés de plusieurs manières
Quelques marques essayent tout de même de faire évoluer cette image de la femme au corps « parfait ». Nike en 2005 avait fait une campagne appelée “My Knees”, cette campagne avait pour but de faire réfléchir aux rôles genrés et aller à l’encontre des stéréotypes corporellement imposés aux femmes.
Dove c’était aussi opposé à l’unicité des corps présenté dans la publicité avec la Campagne « Real Beauty »
Le parallèle entre mode et culte de la maigreur n’est plus à prouver, s’il est dénoncé par certains il est pourtant appuyé et valorisé par d’autres. La question reste encore de savoir si la diffusion d’images impacte réellement la perception de l’esthétisme féminin (et possiblement masculin) et si c’est le cas dans quelle mesure. Entre le rejet total et le laisser aller moral de l’industrie de la mode peut être faudrait-il trouver un juste milieu. Je vous laisse méditer sur la leçon de Jean-Henri Fabre « Rentrons dans notre coquille, vivons de la vie du mollusque : là est le secret du bien-être. »
Brune Ouakrat
Sources :
http://www.huffingtonpost.com/2013/04/18/anti-anorexia-ads-photos_n_3110649.html
https://www.facebook.com/VogueParis/?fref=ts
http://www.adwomen.org/2011/06/controversial-nikes-campaign-for-women/
Crédit photos :
© instagram rocksy.chan
© instagram thedebriefuk
Captures écran de la page Facebook Vogue Paris
https://www.instagram.com/erinheathertonlegit/
http://bit.ly/1StPGuV
http://bit.ly/1SkX2Pm
Je ne suis pas sûre que « modélisme » soit le mot qui sert à désigner le monde du mannequinat. Mais sinon pour le fond, il est clair qu’il y a beaucoup de choses qui pèsent sur les femmes et leur rapport au corps et à la nourriture. Si les politiques pouvaient commencer par agir en légiférant contre le recours aux tops trop maigres, ce serait je pense, un bon début…
Le mot « modélisme » est en effet à prendre dans le sens du « modèle » et donc sert en jeu de mot avec le mannequinat ! Merci beaucoup pour votre commentaire, nous espérons aussi que des recours seront pris dans le futur..
Voilà un excellent article!!! Pleins d’informations, de références, d’exemples. J’aime beaucoup et moi aussi je suis contre la maigreur. Il faut juste se fixer des limites. Ça ira bcp mieux ensuite. Merci
Merci à vous ! C’est agréable de pouvoir avoir des retours sur ce que l’on écrit.
L’anorexie mentale est une pathologie dans laquelle entrent en jeu bien d’autres facteurs que la volonté de ressembler à une couverture de magazine.
Vous en trouverez ici un exemple :
L’anorexie mentale, symptôme ou acting out ? Fabienne Guillen
Par ailleurs , il me semble que la campagne Dove mentionnée a également été la cible de critiques, parce qu’elle montrait des personnes qui demeuraient « conventionnellement attirantes « .
J’espère que vous ne m’en voudrez pas d’apporter ici ces précisions , j’apprécie beaucoup la Commode.
Bonjour Elise,
Nous ne t’en voulons évidemment pas. Il y a bien sur beaucoup de facteurs qui peuvent varier d’une personne à une autre, l’anorexie étant une maladie mentale ses formes sont multiples. Il est néanmoins difficile de nier l’influence que peuvent avoir les magazines féminins (par exemple) sur des jeunes femmes cherchant à s’identifier aux mannequins qui y sont présentés. Il faut comprendre qu’un article ne peut (de part sa taille) qu’espérer parler d’un certain nombre de sujets et non pas les traiter dans leur infinité, il est donc bon d’amener le lecteur à une réflexion plus poussée comme vous l’avez fait ici.
Merci pour votre soutien, nous espérons continuer à vous plaire !
Bonjour étant la personne décrite dans l’article cité par Elise, j’en ai un peu marre de voir ma vie étalée sur le web alors que je n’ai jamais consenti à cet article écrit par un professionnel. cela dit je suis d’accord avec elise Entendre toujours parler de l’anorexie comme étant toujours liée à un effet de mode: c’est la partie émergée de l’iceberg pour beaucoup . chaque année ça ressort à la même époque et c’est épuisant…maintenant je ne suis pas d’accord avec l’interprétation du professionnel dans cet article cité aussi .. chacun écrit ce qu’il veut d’une vie qui n’est pas la sienne et qu’il interprète au crible de ses seules connaissances. voilà… parfois il s’agit de tout autre chose et c’est d’une grande complexité … l’anorexie n’étant qu’une comorbidité qui cache souvent autre chose … de bien plus intéressant à prendre en compte pour aider la personne .. la feuille A4 devrait servir à autre chose qu’à mesurer sa taille: si elle reste blanche c’est bien dommage .. il y a tant à dire et à écrire pour chacun…