Ces derniers temps, certains diront depuis sa maternité et d’autres depuis Formation, tous les projets issus de la machine Beyoncé Knowles méritent une mise en perspective.
Féminisme, « négritude », maternité, tromperie, rage.
Lemonade pose les bases en citant Malcom X :
« La personne la plus insultée en Amérique est la femme noire. La personne la plus vulnérable est la femme noire. La personne la plus négligée est la femme noire. »
IVY PARK est un outil essentiel de cette mutation entamée par la star.
La collection et le plan com : buisness aspect
La collection
Initialement la marque devait se nommer Parkwood TopShop Athletic, en référence à l’association avec Top Shop. En fin de compte on retrouve le « Ivy » dont les références sont multiples mais où tout le monde reconnaît le nom de la fille de Beyoncé herself : Blue Ivy.
La collection surfe sur l’actualité mode sportwear qui sature nos comptes Instagram de booties bien galbés. Cette mode génère une esthétique et des prérequis vestimentaires dont Beyoncé s’empare. Environ 200 pièces logotypées : leggings taille haute, sweats floqués, crop top : les habits du moine.
En soi rien de révolutionnaire sinon le rapport qualité-prix. En effet on peut se saper comme une véritable accro au work out (swag inhérent à celui qui utilise ce terme) pour des prix relativement abordables. Enfin la qualité est étonnante, les matières et les coutures sont solides, les modèles sont bien taillés.
La collection est sortie le 14 avril dernier, à l’aube des beaux jours.
En même temps que les premiers maillots de bains.
Faites le lien.
Pensez-en ce que vous voulez.
Gardez le pour vous.
Plan Com
Ainsi on entend moins parler de la collection elle-même que l’invocation à résoudre ce mystère qui nous taraude tous : « Où est votre parc ? ».
En gros un « parc » c’est la dénomination large désignant le lieu où tu vas te faire suer. La forêt, la salle, la piscine, gymnase, terrain de basket.
Zalando et TopShop hébergent les produits. Zalando a lancé en France le hashtag #MONPARC que les sportives les plus swag n’oublieront pas d’ajouter à leurs photos Instagram. Tentative un peu bancale. Mais selon Beyoncé, un « parc » c’est avant tout spirituel. Rien que ça.
Queen B reprend les bases de son concept dans une vidéo. Si tu cernes comment la maitresse définit son « parc », peut-être cerneras-tu la notion de « parc » dans sa globalité. Vaste entreprise. Dans le cadre du plan de communication, la vidéo a une position centrale. Beyoncé en voix off, noir, blanc, couleur, rythme lent, ralentis c’est parti.
La vidéo est une forme de coulis mélodramatico-positivement culpabilisant : le « parc » est le lieu où tu cultives ta foi et ton inspiration dans la vie. Extraits de vidéo de famille, jogging en baskets à talon, mouvements de brasse en combinaison du futur, tout y est.
Extrait :
« Je me réveillais le matin et mon père venait frapper à ma porte pour me dire qu’il était temps d’aller courir.» « Je réfléchissais aux sacrifices que mes parents avaient fait pour moi. Je pensais à ma petite soeur pour qui j’étais un exemple. Je regardais la beauté autour de moi, le soleil qui brillait à travers les arbres. »
Que tous ceux qui n’auraient pas osé pondre ça lèvent la main.
Cohérence parfaite
Stylistiquement les vidéos se répondent et ne ressemblent à aucune autre, de Formation à IVY PARK en passant par Lemonade. La femme dans l’effort est mise à l’honneur : sueur, danse, maternité.
Blue Ivy apparaît dans chaque vidéo. Elle incarne un foyer d’inspiration où sa mère voit se refléter sa propre condition, celle d’une femme noire en devenir. Dans Formation elle affirme « I like my baby heir with baby hair and afros », et synthétise l’enjeu.
Mise en perspective
La vidéo d’IVY PARK présente de nombreux aspects a priori risibles. Pourtant elle s’inclut dans le processus d’humanisation et politisation de Beyoncé. La force du personnage est entérinée par son aveu de vulnérabilité.
Le sport est un prétexte à la sortie d’une collection au stylisme simple et une tentative de réappropriation du corps, l’expression d’une volonté de maîtrise. Lorsqu’elle dit : « Je me souviens que j’avais envie d’arrêter, mais je me forçais à continuer. Ca m’a appris la discipline. » : elle construit sa renaissance via la force d’être et de savoir-être.
Le sport permet une forme d’accomplissement qui ne dépend que de soi, le prétexte cher payé au sentiment de fierté.
Pour la femme, pour la femme noire, pour la femme mère et noire, Beyoncé parvient à nous faire oublier qu’elle vend des leggings.
Ici la mode est au service d’un immense plan de communication qui s’appelle Beyoncé Knowles et qui semble pouvoir faire changer les choses mieux que n’importe quelle autre campagne.
Be proud.
Carla Humbert
Crédit image :
ivypark.com
beyonce.com