Souvenez-vous de Carrie Bradshaw et de ses inlassables ruptures avec Big, une nouvelle paire de chaussures, une place en front row d’un défilé new yorkais, le dernier it bag lui suffisaient pour oublier ses peines de coeur. La mode, on l’aime comme on la déteste, elle nous fait rire comme elle nous irrite, elle nous fait rêver comme elle nous fait trembler. Seulement derrière ses excès, son exubérance et son impertinence se cacherait un super pouvoir: celui de nous faire exister. Qu’on le veuille ou non, la mode nous fait du bien! « Allo Fashion docteur? j’ai besoin d’aide, fais-moi rêver! »
L’éclosion du moi au coeur de la mode
« Pour être irremplaçable, il faut être différente » Coco Chanel
Loin de ses diktats et ses excès que l’on décrie tous en choeur, la mode nous apporte quelque chose de singulier, la possibilité de faire rayonner son moi dans un monde de plus en plus uniformisé et banalisé. Là est son paradoxe: une double vision de l’unité, celle de l’uniformisation et celle de la singularité.
Vos vêtements ne servent pas seulement à couvrir de parures votre pudeur, ils affinent votre vision du monde et déterminent la vision du monde sur vous. En croyant porter le masque des tendances prétendument instituées par cette machine dangereuse qu’est la mode, vous affirmer en réalité avec une sincérité aveugle la profondeur de votre être.
Roland Barthes, auteur de Système de la Mode, l’affirme: la mode est un système codifié. Pourtant une de ces premières motivations pour faire l’analyse sémiologique du vêtement est bien que ce dernier est une « possibilité de connaissance de [nous-même] au niveau le plus immédiat car [nous nous y investissons] dans notre vie propre »*.
S’habiller nait d’une série de choix, et pas simplement celui que vous faites devant votre armoire le matin. Le choix de tel ou tel vêtement, telle ou telle marque est bien souvent un choix éthique qui reflète votre philosophie de vie. Mais plus encore, le choix de telle ou telle forme, telle ou telle matière, telle ou telle couleur dira au monde si vous êtes timide, extravagant, audacieux, insaisissable, intrépide… Marc Jacob le déclare: « s’habiller est une forme d’expression de soi. Il y a des indices de ce que vous êtes dans ce que vous portez. ». Vos vêtements sont votre ADN… Et vous pouvez détester cela… mais ils le diront aussi… No more secret !
Moi, moi je(u)…
« La mode est ce que vous offrent les créateurs quatre fois par an. Le style est ce que vous choisissez. » Lauren Hutton
Les collaborations dans le milieu de la mode est un phénomène en grande expansion, mais de plus en plus de créateurs choisissent de collaborer avec le client lui-même. En effet, nombreuses sont les marques qui font de nous de véritables créateurs et nous invitent à donner la petite touche finale à notre vêtement qui sera à nous et rien qu’à nous.
L’effervescence du « moi », de l’ego au coeur de la mode faisait déjà son apparition avec les grandes maisons de luxe qui proposaient de graver de ses initiales une de leur pièce iconique. Déjà notre nom se trouvait associer à une grande maison de couture, comme pour créer une osmose entre le client et la marque. Nombreux affichaient leur « moi je » sur leur sac, leur porte-feuille, leur t-shirt sans oublier de laisser apparente la griffe de la marque sans qui leur nom n’aurait plus aucune « valeur » désirable.
Si les initiales connaissent toujours leur heure de gloire, l’ego se veut aujourd’hui plus raffiné, plus subtil tout en étant toujours un objet de tendance. Le « moi je » s’est peu à peu transformé en « moi jeu » puisque le client est désormais invité à jouer, à créer. Nous retrouvons cet appel à la créativité chez de nombreuses maisons comme chez Marc jacobs qui proposait un corner de customisation au bon marché, ou encore d’autres marques qui choisissent de laisser le client choisir de a à z les couleurs, les matières d’une de leurs pièces iconiques. Petit à petit, nous sommes invités à devenir des créateurs pour nous-même, afin d’exprimer au mieux à travers nos vêtements notre personnalité.
Fashion Doliprane
« Je ne crée pas des vêtements, je crée des rêves. » Ralph Lauren
Pensez à votre veste préférée dans laquelle vous vous sentez capable de changer le monde, votre dernière robe qui vous fait vous sentir belle, votre jeans fétiche qui galbe vos formes et vous donne le pouvoir d’envoyer tout balancer. On croit souvent à tord que la mode nous condamne, au contraire elle nous libère. Il y a quelque chose chez elle de salvateur, un sentiment palliatif où la seule substance miracle est de vous sentir libre et vous-même.
Lorsque Miuccia Prada crée un vêtement, elle pense à quelqu’un dans une mauvaise passe de sa vie et espère lui apporter un peu de soleil. Le vêtement serait alors comme un pansement qui cache vos blessures profondes pour vous donner la force d’avancer, de vous réaliser, de laisser éclore vos rêves.
« En période difficile, la mode est toujours extravagante » Elsa Schiaparelli
Nous la voulons futile et sotte, superficielle et insignifiante, pourtant la mode est une grille de lecture comme une autre, celle où l’on plonge au coeur de l’humanité, au coeur de l’être pur et libre des codes que la mode a elle-même installés. Paradoxale, elle l’est, instituer des codes pour mieux nous aider à les destituer. Mais là exulte notre liberté: celle de se reconnaître dans l’autre (ou non) pour mieux se révéler. La liberté la plus belle, la plus vraie et la plus pure c’est bien être nous-même!
Alors faites-vous le cadeau d’être vous-même, et de vous aimer quand même! Relevez le col de votre chemisier, déchirez votre jeans, osez l’impossible et foncez! Le monde vous regarde, la mode aussi! « Parce que vous le valez bien! »**.
Lucie Alexandre.
*Roland Barthes, Système de la Mode, 1967
** L’Oréal Paris.
Super article, très intéressant 🙂
Bravo