Fourrures, plumes, cuirs, soie, laine, reptiles. Les matières nobles commencent à perdre de leur stature. Si les consciences s’éveillent et qu’un enjeu éthique rentre lentement dans les réflexes de consommation, la haute couture semble emprunter le même chemin. Les fausses fourrures et simili-cuirs fleurissent sur les podiums; conjuguant élégance et respect environnemental. De Stella McCartney, qui revendique son végétarisme depuis ses début à Shrimps, label londonien réinterprétant la fausse fourrure; la conscience morale devient tendance.
N’en déplaise à ceux qui perçoivent le veganisme comme une mode éphémère; les convictions sont réelles. Sur un plan pratique, la majorité des individus deviennent vegans pour des raisons éthiques (maltraitance animale), de santé (alimentation), ou écologiques. Puisque l’industrie animale est une des plus dévastatrices pour l’environnement. Il est ainsi nécessaire de noter que la production de cuir et de viande est responsable de 18% des gaz à effet de serre soit plus que tous les transports réunis (13%). D’après Mediapart en 2015, le 5è rapport du GIEC recommandait une diminution importante de la consommation de viande : ce serait aussi efficace que de diviser par 2 le parc automobile mondial !
A savoir que le cuir n’est pas nécessairement récupéré des bêtes mangées. Ce sont deux filières totalement différentes. Mais porter la peau d’un animal consommé n’est pas meilleur pour la planète. L’élevage en Amazonie Brésilienne est responsable de 80% de la déforestation de la région et représente 14% de la déforestation mondiale.
C’est pour cela que beaucoup de marques certifiées véganes essaient d’avoir une démarche écologique et ont recours, le plus possible, à des matériaux recyclés, principalement du plastique. Et oui le plastique est polluant. Mais produire 1kg de cuir peut être jusqu’à 20 fois plus polluant que produire 1kg de matériaux synthétiques. Il existe également du bio-plastique à base de plantes et du cuir végétal, à base, par exemple, de bois ou d’ananas.
Alors que des ONG s’insurgent contre certaines marques de prêt-à-porter et leurs impacts néfastes, il est nécessaire de se demander s’il existe, dans l’écosystème fermé de la haute couture, une dimension écologique durable. Greenpeace a ainsi analysé les divers modes de fabrication des maisons de couture. Prada, Gucci et Dior sont pointés du doigts malgré l’irruption de la fausse fourrure dans leurs collections. Roberto Cavalli, quand à lui, arrive en bon dernier du classement. Avec la campagne The Fashion Duel et l’Ethical Fashion Show, Greenpeace se bat pour bousculer les mentalités. Créé par Isabelle Quéhé, cette série de défilés constitue une fashion week parallèle aux convictions appuyées. Depuis 2004, les collections sont principalement présentées à Berlin et les prises de responsabilités éthiques s’imposent petit à petit. Mais le bilan environnemental de la haute couture reste largement perfectible.
Stella McCartney, un cas à part
La styliste britannique impose ses convictions éthiques et écologiques depuis son plus jeune âge. Directrice Artistique de la maison Chloé dès 1997, l’enfant surdoué de la haute couture lance sa propre maison en 2001. Sans cuirs, ni fourrures et respectueuse de l’environnement. Son talent a été maintes fois salué, reconnu et récompensé par de prestigieux prix, comme le« British Brand of the Year » en 2016. Et sa notoriété permet aux revendications vegan d’être mieux perçues. Les droits des animaux et le respect de leur vie, la protection de l’environnement : telles sont les clefs de voûte de son énergie créatrice.
« As a designer, I like to work with fabrics that don’t bleed; that’s why I avoid all animal skins. » – Stella McCartney
La styliste milite plus qu’activement auprès de la PETA pour la protection et les droits des animaux. L’organisation lui a même décerné un « PETA Award » pour saluer ses efforts. Mais sa quête de l’élégance ne tarit pas pour autant. Les matériaux utilisés par Stella McCartney sont de qualité, coton 100% bio, cachemire régénéré, des microfibres et polyester recyclés, des textiles écoresponsables et du cuir vegan. Aucune hypocrisie : les boutiques au Royaume-Uni sont chauffées par Ecotricity, un fournisseur d’électricité verte anglais. Et le papier et les sacs utilisés sont 100 % biodégradables.
Pour faire perdre à la fourrure son titre de noblesse, Stella a lancé en 2007 un concours sur le site de Second Life en partenariat avec la PETA. Second life est un « univers virtuel» offrant à chaque utilisateur l’opportunité de se créer une seconde vie. Dans son île virtuelle, Stella milite et propose de récompenser celui ou celle qui trouvera le meilleur nouveau slogan pour la PETA. Les avatars sont invités à manifester contre le port de fourrure mais aussi à faire des dons pour la défense des animaux. Un moyen ludique de sensibiliser la jeune génération.
On nous rebat les oreilles avec le veganisme depuis de nombreuses années. Ne pas manger ceci, ne plus consommer cela. Les méthodes employées par certains convaincus pour véhiculer leurs idées sont enragées. Mais l’énervement est toutefois plus que compréhensible. On estime que toutes les espèces ont diminué de 25% durant les 500 dernières années. A cause de l’activité humaine. Le rythme de disparition est de 100 à 1 000 fois plus élevé que ne le veut le processus d’évolution naturel selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. Les comportements sociaux, notamment de consommation doivent se responsabiliser. Et la haute couture, comme bien souvent, s’érige en guide le poing levé.
Reuben Attia